COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU

(BURKINA FASO)

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AFFAIRE:

Maître FARAMA Prosper

C/

Ministère des Finances et du Budget

Ordonnance de référé n° 64 du 21 août 2003

Attendu que par ordonnance n° 299 du 26 décembre 2002, le Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou déboute Maître FARAMA Prosper de sa demande et dit « que la procédure de saisie opérée par l'administration fiscale en l'espèce est régulière au regard de la nature de la créance et des dispositions des articles 2 et 33 de l'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution et 405 nouveau du code des impôts » ; que contre cette ordonnance, appel est relevé le 27 décembre 2002 par le succombant et la cause, après renvoi pour production de l'ordonnance, est retenue à l'audience du 26 juin 2003 et mise en délibéré au 17 juillet 2003, délibéré prorogé au 7 août 2003 et 21 août 2003, date à laquelle elle est vidée ;

Attendu que l'appelant conclut à l'infirmation ou à l'annulation de l'ordonnance déférée en ce que la saisie suivie de l'enlèvement de son véhicule opérée le 22 novembre 2002 par l'agent de poursuite du Trésor public encourt annulation pure et simple pour violation des articles 91 et suivants, 29, 33, 100 et 103 de l'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution rendue applicable au Burkina Faso en vertu de dispositions des articles 2, 10, 13 et 54 du Traité OHADA ratifié par le Burkina Faso et 151 de la Constitution promulguée le 11 juin 1991 ; que l'Administration des Impôts poursuivante et le premier juge reconnaissent que la procédure de saisie mise en oeuvre par l'agent judiciaire du Trésor a dérogé à celle du droit commun prescrit par les articles 91 et suivants de l'acte uniforme OHADA sans en accepter la conséquence logique et légale qui est son annulation ;

Qu'aux termes des articles 419, 419 bis et 420 nouveaux du code des impôts tels que modifiés par la loi n° 38/98/AN du 30 juillet 1998, pour le recouvrement des impôts directs, le contribuable qui ne s'en est pas acquitté est premièrement prévenu par un avis de mise en recouvrement (AMR) lui impartissant un délai de quinze (15) jours pour se mettre en règle (art. 419 N), deuxièmement sommé d'avoir à payer son imposition dans le délai de cinq (5) jours par un avis de mise en demeure (art. 419 bis N al. 1 er) et troisièmement l'avis de mise en demeure est rendu exécutoire et envoyé au contribuable dans les mêmes conditions que l'avis de mise en recouvrement (art. 419 bis N. al. 2) ; que cette troisième formalité a été omise dans la procédure diligentée ou été confondue à la seconde, toute chose rendant nulle la saisie pratiquée ;

Que l'avis de mise en demeure rendu exécutoire, pour être mis à exécution forcée, doit être transformé en contrainte administrative décernée par le Directeur général des Impôts et par délégation les comptables publics et agents dûment habilités par eux (art. 420 N al. 2) puis revêtu de la formule exécutoire selon le régime commun à toute contrainte administrative soumise pour son exécution aux prescriptions de l'article 414 du code de procédure civile selon lesquelles « nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution s'il ne porte la formule exécutoire » ; que cette étape a également été omise ;

Que si l'article 420 nouveau in fine édicte que « les voies d'exécution forcée dont dispose l'Administration (fiscale) pour parvenir au paiement des sommes dont elle est créancière, sont tant du point de vue du fond que de la forme, celles prévues par les présentes dispositions », aucune disposition du code des impôts ne régit les formes des voies d'exécution, notamment la saisie-vente, qui demeurent en conséquence soumises au droit commun qui en l'état de notre droit positif est l'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, le Burkina Faso ayant ratifié le Traité OHADA ayant vocation à réglementer dans le domaine du recouvrement des créances et des voies d'exécution et dont les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne (art. 2 et 10) ; que même si l'avis de mise en demeure valait titre exécutoire au Burkina Faso parce qu'une loi nationale lui attacherait « les effets d'une décision judiciaire » (art. 33-5e AUPSVE), il demeurerait qu'ès qualité de décision judiciaire, il devrait, pour recevoir exécution être revêtu de la formule exécutoire (art. 33-1er AUPSVE et 414 C.P.C) ;

Attendu que l'intimé conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise qui a tenu compte de la spécialité du droit fiscal réglementé par le code des impôts ; que la procédure de recouvrement de l'impôt comporte une phase amiable, consistant en la notification de l'avis d'imposition et prenant fin dans le délai d'exigibilité de deux (2) mois (art. 409 ancien) et une phase contentieuse qui débute avec la notification de l'avis de mise en recouvrement (AMR) et se poursuit avec la sommation de mise en demeure, et s'achevant avec la saisie-vente des biens (art. 419, 419 bis et 420 N) ; que dès l'émission « des impôts directs et taxes assimilés qui sont matérialisés par l'établissement de fiches d'imposition exécutoires tenant lieu de rôle », ceux-ci ont un caractère exécutoire (art. 405 N) ; que de par la volonté du législateur, ils conservent ce caractère tout au long de la procédure de recouvrement sans être en contradiction avec l'acte uniforme OHADA qui reconnaît ce caractère aux décisions auxquelles la loi nationale de l'Etat partie attache les effets d'une décision judiciaire (art. 33-5e AUPSVE) ;

Que la mise en demeure contenant sommation de payer est en matière fiscale la contrainte administrative visée à l'article 420 nouveau autorisant l'exécution forcée, sans qu'il soit besoin d'établir à nouveau un acte portant contrainte administrative, ni de recourir à l'apposition de la formule exécutoire en ce que « les voies d'exécution forcée dont dispose l'administration pour parvenir au paiement des sommes dont elle est créancière sont, tant du point de vue du fond que de la forme, celles prévues par les présentes dispositions » (art. 420 in fine N) ;

Que du reste, la matière fiscale, élément de souveraineté des Etats est hors du champ d'application de la réglementation OHADA tel qu'il résulte de l'article 2 du Traité ;