Cour Suprême du Cameroun

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Chambre sociale

AFFAIRE:

Procureur général près la Cour suprême

C/

Andegue Owona Jacques

ARRET N° 3 DU 30 AVRIL 1968

LA COUR,

Sur le pourvoi de M. le Procureur général près la Cour suprême d'ordre du Garde des sceaux ;

Sur le moyen unique pris de l'excès de pouvoir, en ce que l'arrêt attaqué a statué sur un litige relevant de la seule compétence de la Cour fédérale de Justice ;

Vu les articles 39 de l'ordonnance 59-86 du 17 décembre 1959, 33 (3) de la Constitution du ter septembre 1961, les Ordonnances n° 6 du 4 octobre 1961 et n° 1 du 12 janvier 1962 et l'article 4 de la loi n° 29 du 19 novembre 1965 ;

Attendu que l'ex-garde camerounais Andegue, révoqué de la garde camerounaise par décision de M. le Premier ministre en date du 29 février 1960 pour mauvaise manière habituelle de service, a saisi le Tribunal d'Etat en vue de faire annuler la décision le révoquant et a demandé sa réintégration dans la garde camerounaise, ainsi qu'un supplément de congés payés ;

Que, par l'arrêt attaqué, le Tribunal d'Etat s'est déclaré incompétent, au motif que le recours qui lui était soumis, relatif à l'exécution d'un contrat de travail, relevait de la compétence des tribunaux du travail, le Code du travail du 15 décembre 1952 n'excluant de sa compétence relativement aux conflits individuels du travail que ceux concernant "les personnes nommées dans un emploi permanent d'un cadre d'une administration publique", ce qui n'était pas le cas d'Andegue, qui n'était lié à la garde camerounaise que par un contrat à durée déterminée ;

Qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué, le 9 février 1962, sur un litige mettant en cause la responsabilité de l'Etat fédéral, alors qu'aux termes de l'article 33 (3) de la constitution du 1"' septembre 1961 et de l'ordonnance du 4 octobre 1961 la Cour fédérale de Justice étant seule compétente, le Tribunal d'Etat aurait dû se dessaisir de l'affaire, au profit de cette Cour, en application de l'ordonnance I du 12 janvier 1962 ;

Attendu que l'article 33 (3) de la constitution fédérale dispose que « la Cour fédérale est chargée de « statuer sur les recours en indemnités ou en excès de pouvoir dirigés contre les actes administratifs des autorités fédérales" ; que cette Cour a été organisée par ordonnance du 4 octobre 1961 ; que l'ordonnance n° 1 du 12 janvier 1962, applicable suivant la procédure d'urgence, prévoit que " La Cour fédérale de Justice se trouve saisie de plein droit à la date de la publication de la présente ordonnance des recours visés à l'article 33 (3) de la constitution qui sont pendants devant, le Tribunal d'Etat (...) et qui sont fondés sur des actes ou faits imputables à des autorités ou services qui relèvent de la République fédérale à cette date ; qu'elle précise que les dossiers de toutes les affaires susvisées seront transmis à la Cour fédérale de Justice qui continuera à les instruire et procédera à leur jugement suivant les règles de procédure qui lui sont propres » ;

Attendu que la garde camerounaise, en tant que force de police à caractère militaire telle qu'elle était organisée par l'arrêté du 21 août 1952 et en ce qu'elle relevait de la gendarmerie à laquelle elle a été incorporée par ordonnance n° 20 du 22 février 1960, engage bien, pour les conséquences actuelles des actes administratifs la concernant, la responsabilité de l'Etat fédéral de qui relèvent l'armée et la gendarmerie ;