Tribunal de Première Instance de Bafang
(CAMEROUN)
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AFFAIRE:
Sieur Noubicier Léon
C/
sieur Ngamako Michel
Ordonnance de référé n°27/ORD/CIV/TPI/2007 du 25 mai 2007
NOUS, JUGES DES REFERES,
Attendu que par exploit de Maître DIFFO Gabriel, huissier de justice à Bafang, sieur NOUBICIER Léon a fait donner assignation au nommé NGAMAKO Michel son associé, d'avoir à se trouver à comparaître par devant le Tribunal de Première Instance de Bafang statuant en matière de référé pour, est-il spécifié, au principal, s'entendre renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence, constater que le requérant est gérant statutaire depuis le 1er décembre 2001 ; constater que depuis le 29 mars 2002, il a été éjecté par sieur NGAMAKO Michel ; constater que depuis le 29 mars 2002 le susnommé est administrateur de fait de la société MANIKHEU ; constater qu'il ne respecte pas les règles de convocation de l'Assemblée Générale ; constater qu'il n'a jamais rendu compte de sa gestion à son coassocié pas plus qu'il ne lui a reversé les dividendes entre mars 2002 et octobre 2003 et de cette date jusqu'à ce jour ; constater qu'il ne se libère du paiement des impôts dus à l'Etat, constater que la convocation de l'Assemblée Générale adressée au requérant daté du 06 mars 2007 est irrégulière comme contraire aux dispositions légales en la matière et aux statuts de la société MANIKHEU ; en conséquence rétracter l'ordonnance N° 2001/06-07 rendue le 23 février 2007 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Bafang ; ordonner la nullité de l'exploit de signification de ladite ordonnance suivant ministère de Maître NGALEMO en date du 06 mars 2007 ; désigner telle personne administrateur provisoire de la société MANIKHEU PLUS SARL ; dire que sa mission durera le temps de la procédure en responsabilité en voie d'être enclenchée contre sieur NGAMAKO Michel au fond ; dire que la rémunération de l'administrateur provisoire sera fixée conformément aux statuts de la société MANIKHEU PLUS SARL ; désigner un expert ayant pour mission de présenter un rapport global sur les opérations de gestion de sieur NGAMAKO Michel de la période du 29 mars 2002 jusqu'à la date de l'ordonnance à intervenir ; dire que les honoraires de l'expert seront à la charge de la société MANIKHEU PLUS SARL ; condamner sieur NGAMAKO Michel aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître SIEWE Victor, avocat aux offres de droit ;
Attendu que pour faire agréer ses prétentions le requérant énonce qu'il est le promoteur de la boîte de nuit dénommée MANIKHEU ; qu'eu égard aux perspectives de rentabilité que son entreprise laissait entrevoir il s'est prêté à son ouverture à un nouvel associé en la personne du défendeur avec qui il a conclu un protocole d'accord d'association courant septembre 2001 ; que c'est sur ces entrefaites que la société s'est, courant décembre 2006, muée en société à responsabilité limitée dont il a été désigné gérant statutaire pour une période de quatre ans comme cela ressort de l'article 14 des statuts ; qu'à l'aube de son mandat et en dehors de toute assemblée générale il a été éconduit de sa charge par son coassocié le 29 mars 2001 lequel en dépit des prestations brillantes que sa brève gestion révélait, s'est empressé d'y installer son frère DEUTCHOUA Gabriel ; que l'accession de celui-ci aux prérogatives de gestion a coïncidé avec une administration aussi familiale qu'opaque marquée par la convocation de deux Assemblées Générales ordinaire et extraordinaire tenues courant août 2003 au cours desquelles il a conçu et imposé en guise de résolution des formules à sa convenance notamment en proposant la mise en location gérance du fons de commerce de la société et la mise sur pied d'une gestion provisoire transitoire à ladite location dont le mandat allait du 30 août au 10 octobre 2003 ; qu'à l'issue de ce terme a été signé un contrat de location gérance entre la société MANIKHEU et le défendeur pour une durée de deux ans, c'est-à-dire jusqu'au 09 octobre 2005 ; que depuis l'expiration de cette échéance il a péniblement déposé une année de loyer du fonds de commerce dans les caisses de la bailleresse ; qu'en outre il ne lui a ni reversé les dividendes, ni respecté les préliminaires de la convocation des Assemblées Générales à laquelle il s'est livré ; qu'ainsi il n'a pas mis à sa disposition les documents sociaux susceptibles de lui permettre d'avoir d'amples informations sur le fonctionnement et la gestion quotidienne de la société ; qu'ayant opté pour une stratégie de dérobade il ne s'acquitte pas des obligations fiscales exposant la société à un redressement fiscal si ce n'est à une fermeture ; que dans le même registre il lui a fait servir courant 06 mars 2007 par le ministère de Maître NGALEMO une ordonnance N° 21/06-07 rendue le 23 février 2007 et à lui signifiée le 06 mars 2007 par laquelle il lui notifiait l'Assemblée Générale de leur société devait avoir lieu le 24 mars se gardant par ailleurs de sacrifier au droit de communication prévu tant par l'Acte uniforme OHADA N° 2 sur les sociétés commerciales que par les statuts de la société ; qu'afin d'éventer la machination sordide conçue par le défendeur pour mettre en coupe réglée la trésorerie de la société il sollicite l'intervention du juge des référés ; que les articles 147 et 159 de l'Acte Uniforme OHADA N° 2 sur les sociétés commerciales autorisant l'associé ou plusieurs associés disposant au moins du 1/5 du capital à solliciter de la juridiction compétente la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion i implore l'urgente intervention du juge des référés aux fins de désigner tel expert ayant pour mission de présenter un rapport global sur les opérations de gestion de sieur NGAMAKO Michel de la période du 29 mars 2002 à celle de l'ordonnance à intervenir ;
De désigner en outre un administrateur provisoire dont la mission durera le temps de la procédure en responsabilité en voie d'être enclenchée contre le défendeur au fond ; dire que les honoraires de l'expert et de l'administrateur seront à la charge de la société ;
Attendu qu'en réfutation de ces allégations le défendeur par le biais de son conseil fit valoir que les arguments développés par le requérant à l'appui de ses prétentions ne paraissent pas ressortir de la compétence du juge des référés, juge de l'urgence et du provisoire ; que s'agissant de la rétractation de l'ordonnance querellée elle ne saurait prospérer, le demandeur s'étant appliqué à éluder les obligations auxquelles est astreint un associé quant à sa participation aux assemblées générales de la société MANIKHEU ; que pour contourner ces manoeuvres tendant à la paralysie de la société il n'avait d'autres ressources que de saisir le juge ; qu'il produit au dossier de procédure une multitude de convocations à lui adressées en vue de prendre part aux assemblées générales et restées sans effet ; qu'on ne saurait rétracter une ordonnance sollicitée pour rendre compte de la gestion d'un gérant ; que le requérant ne saurait à la fois se détourner de l'assemblée générale et alléguer l'existence d'une mésentente entre associés qui justifierait la désignation d'un expert ou d'un administrateur provisoire alors que la société est sous le régime de la gérance libre ; que l'administrateur provisoire ne peut intervenir sans qu'aient été examinés les problèmes de fond de la société étant observé qu'une mésentente même caractérisée entre associés ne saurait justifier la nomination d'un administrateur provisoire ; que las circonstances de l'espèce ne revêtant pas un caractère d'urgence et le juge des référés ne pouvant statuer sans préjudicier au fond il y a lieu de dire qu'il y a difficulté sérieuse à désigner un expert ou à nommer un administrateur provisoire de la société MANIKHEU ; que le juge saisi se doit donc de se déclarer incompétent ;
Mais attendu qu'il s'en faut que cette argumentation du défendeur résiste à l'épreuve d'une évaluation sereine qu'elle soit abordée tant sur le prisme de l'incompétence du juge des référés que sur l'inopportunité de la désignation d'un administrateur provisoire ;
Attendu qu'il est indiscuté qu'il y a urgence toutes les fois qu'un retard dans la prise de la décision sollicitée par le plaideur entraînerait un préjudice irréparable ; qu'en l'espèce il est établi que depuis cinq ans au moins la société litigieuse n'a pas réussi à faire tenir une assemblée générale faute par le défendeur de sacrifier au droit de communication exigé par les statuts de la société et par l'Acte Uniforme OHADA en son article 345 ; que cet état de fait faisant planer sur les droits du requérant un grave péril dont la réalisation peut conduire à leur spoliation irréversible il s'ensuit que l'urgence alléguée est avérée et par suite que le juge saisi est compétent ;
Attendu que la mesure d'instruction sollicitée n'a pas pour but de lier le juge du fond qui restera libre d'apprécier autrement les droits des parties lesquels restent intacts quant au fond ; qu'il s'ensuit qu'une simple expertise, mesure conservatoire est inapte à préjudicier au principal, l'administration provisoire n'impliquant pas nécessairement rupture des contrats conclus par la société ; que par suite cet argument frivole ne peut qu'encourir rejet ;
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