Tribunal de première Instance de Douala-Bonanjo
(CAMEROUN)
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AFFAIRE:
OMAIS KASSIM
C/
La société S.D.V. CAMEROUN SA, note Jean GATSI et Willy James NGOUE
Ordonnance n° 251 du 29 juin 2006
Attendu qu'à la suite de l'ordonnance n°1533 du 08 Août 2005, de Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de céans autorisant à assigner à bref délai et suivant exploit du 09 mai 2005 de Maître NJOUME Ernest, acte non enregistré, mais qui le sera en temps opportun, sieur OMAIS KASSIM ayant pour conseil Maître NYEMB, avocat à DOUALA, et au Cabinet de qui il a élu domicile, a fait donner assignation à comparaître par devant nous à la Société SDV CAMEROUN SA prise en la personne de son représentant légal, et à Maître TEKEU Victor pour, est-il dit dans ledit exploit, s'entendre : Constater que la signification-commandement du ministère de Maître TEKEU Victor en date du 03 Août 2005 est fondée sur une grosse du procès-verbal de conciliation du 15 Juillet 2003 et un protocole d'accord transactionnel des 18 et 20 Juin 2003 ; Constater que le protocole d'accord transactionnel sus-évoqué a été signé en son temps par Monsieur OMAIS KASSIM exclusivement en sa qualité de gérant de la Société SACAM SARL ; Constater que suivant ordonnance n°438 de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de DOUALA en date du 19 Avril 2005, la Société SACAM a été admise au bénéfice du règlement préventif avec toutes les conséquences de droit ; Constater que l'ordonnance de règlement préventif sus-évoquée porte suspension de toutes les poursuites individuelles à l'encontre de la Société SACAM SARL" ; Constater partant que la signification commandement du 03 Août 2005 viole la lettre et l'esprit de l'ordonnance de règlement préventif du 19 Avril 2005 alors surtout que la procédure de règlement préventif dont s'agit est pendante à ce jour par devant le tribunal de Grande Instance de DOUALA ; Constater surabondamment que OMAIS KASSIM ne saurait en tout état de cause être poursuivi en qualité de caution, la S.D.V. ayant d'ores et déjà opté pour le recouvrement de sa créance à l'encontre du débiteur principal moyennant une série de saisie-attribution et de saisie-vente pratiquée au préjudice de SACAM ; Annuler partant avec toutes les conséquences de droit l'exploit de signification-commandement du ministère de Maître TEKEU Victor en date du 03 Août 2005, étant entendu que toute renonciation par les cautions aux privilèges et exceptions contenus dans le protocole d'accord objet de la signification commandement dont s'agit est réputé non écrite au sens des dispositions de l'article 18 alinéa 2 de l'acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés ; Ordonner l'exécution sur minute et avant enregistrement de la présente ordonnance nonobstant toutes voies de recours ; Condamner la Société SDV CAMEROUN SA aux dépens dont distraction au profit de Maître NYEMB, Avocat aux offres de droit ;
Attendu qu'au soutien de sa demande, sieur OMAIS KASSIM expose ce qui suit : Que la Société SACAM SARL dont il est cogérant est débitrice de la Société SDV CAMEROUN SA ;Que suivant protocole d'accord des 18 et 20 Juin 2006 conclu entre la SACAM SARL, la SDV CAMEROUN SA, sieur FADOUL EL ACHKAR ZOUHAIR Michel et lui, et suivant procès-verbal de conciliation du 15 Juillet 2003 du Juge conciliateur de céans, il s'est porté caution personnelle et solidaire du paiement de ladite dette, en sa qualité de cogérant de la Société débitrice sus-nommée ; Que le 19 Avril 2005, la société SACAM SARL a obtenu l'ordonnance n° 438 de Monsieur le Président interdisant toute poursuite individuelle contre elle, les associés et les gérants pour les actes posés dans le cadre de la gestion de cette société ; Qu'en date du 03 Août 2005, malgré cette décision, la Société SDV CAMEROUN lui a fait servir une signification commandement par le ministère de Maître TEKEU Victor en vertu de la copie grosse du procès-verbal de conciliation et du protocole d'accord sus-évoqués, d'avoir à lui payer sous huitaine faute de quoi il y sera contraint par la vente forcée de ses biens meubles, la somme de 1.070.086.641 francs représentant la créance de la Société SDV contre la SACAM, en principal et frais, pour le paiement de laquelle il s'est porté caution personnelle et solidaire ; Que pourtant, à cause de l'ordonnance n°438 sus-référencée de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance du Wouri, régulièrement signifiée à cette société le 21 Avril 2005, suspendant toutes la Société SACAM SARL, ses associés et ses gérants relativement aux actes posés dans le cadre de la gestion de ladite société, aucune poursuite ne peut être engagée contre lui en exécution du protocole d'accord des 18 et 20 juin 2003, et du procès-verbal de conciliation, du 15 juillet 2003 sus-référencés car, c'est en sa qualité de cogérant de la Société SACAM SARL qu'il s'y est porté caution personnelle et solidaire de cette dernière ; Que s'agissant donc d'un acte posé dans le cadre de la gestion de celle-ci il est couvert par l'ordonnance n°438 sus-referencée ; encore et surtout que la procédure de règlement préventif est encore pendante ; ce qui d'ailleurs est conforme à l'article 18 alinéa 1 de l'acte uniforme OHADA relatif au droit des sûretés aux termes duquel les exceptions inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur principal et tendant à réduire, éteindre ou différer la dette, sous réserve des dispositions des articles 7 et 13 alinéa 3 et 4 du même acte uniforme et des remises consenties au débiteur dans le cadre des procédures collectives d'apurement du passif, profitent à la caution ou à son certificateur ; Qu'étant donné poursuit-il, que la société SACAM SARL fait l'objet d'une procédure de règlement préventif, il est normal que cette ordonnance profite aux cautions car en cas de remise ou d'abandon de créances accordé au débiteur principal comme cela est le cas en l'espèce, elles doivent en bénéficier ; Qu'en effet suivant les modalités fixées par le concordat homologué par le jugement de redressement judiciaire n° 30 du Tribunal de Grande Instance du Wouri à DOUALA, devenu définitif, il est fait état d'un abandon par tous les créanciers de 50 % de leurs créances et du paiement du solde le cas échéant en 24 mensualités ; Qu'il s'ensuit donc que la signification commandement du 03 Août 2005 portant sur la somme de 1.070.086.641 francs CFA ne repose sur aucun fondement légal et mérite d'être annulée ; Que, dans le même sens, la Société SDV CAMEROUN ayant produit sa créance auprès des co-syndics de la Société SACAM SARL en redressement judiciaire elle ne saurait maintenir ses poursuites contre les cautions dès lors qu'elle sera nécessairement réglée à l'issue du redressement judiciaire ; Que d'autre part, la société SDV ayant déjà engagé des procédures de recouvrement contre la débitrice principale en pratiquant des saisies conservatoires de biens meubles corporels, et de créances, elles ne peut plus se retourner contre les cautions car elle a irrévocablement opté pour cette voie ; Que bien plus, les effets saisis permettent de couvrir l'intégralité de la dette ;
Qu'il est de doctrine établie que le créancier ne peut poursuivre à la fois le débiteur principal et la caution ; Que par ailleurs au regard de l'acte uniforme OHADA sur les sûretés, l'article 6 alinéa 3 du protocole d'accord sus-évoqué qui stipule que les cautions renoncent à tous les privilèges, exception et droits que la loi leur accorde en particulier au bénéfice de division et de discussion, est une clause réputée non écrite dont ne peut se prévaloir la Société SDV CAMEROUN ; Qu'enfin a-t-il conclu, par ordonnance n° 195 du 12 Janvier 2006, du juge commissaire du redressement judiciaire de la Société SACAM SARL, il a été ordonné à la société SDV CAMEROUN de restituer les 27 véhicules de la première sous astreinte de 5.000.000 francs par jour de retard ; Qu'à ce jour cette astreinte s'élève à la somme de 600.000.000 francs, et en vertu de l'article 1289 du code civil, il s'est opéré une compensation de plein droit qui a éteint la dette de la SACAM envers la société SDV laquelle compensation profite aux cautions en application de l'article 18 alinéa 1 de l'acte uniforme OHADA sur les sûretés ;
Attendu que pour faire échec à la demande de sieur OMAIS KASSIM, la Société SDV CAMEROUN rétorque que l'ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance du Wouri admettant la SACAM SARL au bénéfice du règlement préventif suspend les poursuites individuelles contre cette société, les associés et les gérants pour les actes posés dans le cadre de la gestion de la société or, le fait pour sieur OMAIS KASSIM de s'être porté caution personnelle, (encourt une responsabilité) solidarité et individuelle sur ses biens personnels en garantie du paiement de la dette de SACAM SARL vis-à-vis de SDV CAMEROUN qui ne constitue pas un acte de gestion, et ne saurait de ce fait rentrer dans la catégorie des actes pour lesquels toutes poursuites individuelles contre les associés et les dirigeants ont été suspendues ; Que le fait d'avoir mentionné dans le protocole d'accord sus-évoqué qu'il est gérant de la Société SACAM ne peut faire de son engagement en tant que caution de cette dernière, un acte de gestion de celle-ci ; Que l'article 18 alinéa 1 de l'acte uniforme OHADA sur les sûretés dont se prévaut le demandeur est inapplicable en l'espèce d'abord parce que les remises et délais consentis au débiteur principal sont exclus des exceptions inhérentes à la dette que la caution peut opposer au créancier, et parce qu'ensuite aux termes de l'article 18 alinéa 3 de l'acte uniforme OHADA sur les procédures collectives "les cautions et coobligés du débiteur ne peuvent se prévaloir des délais et remises du concordat " ; Que les cautions et coobligés du débiteur en règlement préventif peuvent donc être poursuivis pour la totalité de la dette sans la possibilité pour eux de se prévaloir des exceptions tenant à la procédure collective ouverte contre le débiteur ; Qu'à l'appui de ses prétentions sur ce point, elle a également cité les articles 92, 93 et 134 alinéa 5 de l'acte uniforme OHADA sur les procédures collectives et l'apurement du passif ; Que le fait de poursuivre le recouvrement de sa créance sur la débitrice principale ne l'empêche pas d'engager les mêmes poursuites en même temps contre la caution solidaire car en cette qualité, cette dernière ne jouit pas du bénéfice de discussion et de division qui lui aurait permis de dire que comme elle a pris cette option elle doit d'abord discuter les biens de celle-ci ; Que le refus du bénéfice de discussion et de division a pour effet que la caution solidaire peut être poursuivie seule ou simultanément avec le débiteur principal ; Que la caution solidaire est tenue dans les mêmes conditions que le débiteur solidaire ainsi que cela se dégage de l'article 15 de l'acte uniforme OHADA sur les sûretés, et a cause de cette solidarité, le créancier peut poursuivre la caution pour le tout qu'il ait fait diligence ou non auprès du débiteur principal ; Qu'en ce qui concerne l'argument de la SACAM SARL tendant à soutenir que la clause contenue dans l'article 6 alinéa 3 protocole d'accord des 18 et 20 juin 2003 est réputé non écrite, elle lui répond qu'il fait une mauvaise interprétation de l'article 18 de l'acte uniforme OHADA sur les sûretés ;Qu'en effet, ce texte vise uniquement les exceptions inhérentes à la dette et appartenant au débiteur principal, et ne concerne donc pas les exceptions propres à la caution or, l'article 6 alinéa 3 du protocole d'accord concerne les exceptions propres à la caution, plus précisément le bénéfice de discussion et de division auquel peut renoncer la caution en vertu des articles 16 et 17 de l'acte uniforme OHADA sur les sûretés ; Qu'enfin, parlant de la compensation évoquée par le demandeur, elle a soutenu qu'elle est impossible en l'espèce, l'astreinte n'ayant pas été liquidée par une décision de justice, et parce que l'ordonnance du juge commissaire qui a prononcé cette astreinte n'est pas encore définitive pour avoir fait l'objet des voies de recours.
Mais attendu que s'il est vrai au regard de l'article 9 de l'acte uniforme OHADA sur les procédures collectives, que la décision de règlement préventif suspend ou interdit toutes poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision comme l'a fait l'ordonnance n° 438 du 19 Avril 2005 de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance du Wouri, il n'en demeure pas moins vrai que l'article 18 alinéa 3 du même acte uniforme dispose que les cautions et coobligés du débiteur ne peuvent se prévaloir des délais et remises du concordat préventif, allant ainsi dans le même ses que l'article 93 du même acte uniforme qui dispose que "nonobstant le concordat les créanciers conservent leur action pour la totalité de leur créance contre les coobligés de leur débiteur ", ce qui suppose qu'ils ne bénéficient pas de la suspension des poursuites individuelles accordées au débiteur principal, et peuvent immédiatement être poursuivis pour le tout ou pour le restant ; Qu'il y a lieu de comprendre que si l'ordonnance sus référencée s'applique à sieur OMAIS KASSIM pour les actes de gestion de la société SACAM SARL en sa qualité de dirigeant ou d'associé, elle ne peut lui profiter en sa qualité de caution, ce et surtout que le fait pour lui de s'être porté caution de ladite société ne constitue pas un acte de gestion de celle-ci dont il s'est simplement porté garant en sa qualité de dirigeant soit parce qu'il avait confiance en elle, soit à cause de l'intérêt qu'il avait à la voir fonctionner, contrairement à un engagement ou une obligation qu'il aurait contracté au nom et pour le compte de cette dernière ; Qu'en conséquence, il ne peut se prévaloir de cette ordonnance, et pour s'en convaincre définitivement, il suffit de se rappeler que le règlement préventif est une procédure judicaire constatant la défaillance du débiteur principal, rendant immédiatement exigible la créance vis-à-vis des cautions ;
Attendu que rien n'interdit au créancier de poursuivre simultanément le débiteur principal et les cautions, ou le débiteur principal et l'une d'elles, ou celles-ci seulement, la seule limite étant que la somme des paiements ne doit pas dépasser le montant total de la créance ; Qu'au contraire cette possibilité de réclamation multiples pour le montant intégral ou pour le montant restant dû, donne au créancier beaucoup de chances, même par des paiements partiels, d'être totalement payé ; Que ce qui est interdit, c'est la possibilité pour le créancier qui a volontairement opté pour la division de son action, de revenir sur cette division en cas d'insolvabilité de l'une des cautions ; Qu'aux termes de l'article 16 alinéa 1 de l'acte uniforme OHADA sur les sûretés, la caution solidaire ne dispose pas du bénéfice de discussion qui aurait permis au demandeur d'exiger que la société SDV CAMEROUN épuise d'abord les actions en recouvrement initiées par elle à travers les saisies pratiquées au préjudice de la SACAM SARL avant de se retourner contre lui, ou de refuser d'être poursuivi au même moment que celle-ci ; Qu'il échet d'écarter alors l'argument de sieur OMAIS KASSIM, selon lequel la Société SDV ne peut poursuivre simultanément la débitrice principale et la caution ;
Attendu qu'en l'espèce, l'existence de l'article 6 alinéa 3 du protocole d'accord évoqué ci-dessus est sans incidence parce que les exceptions dont se prévaut sieur OMAIS KASSIM relativement à la suspension des poursuites individuelles et l'existence des mesures concordataires puis du bénéfice de discussion, ne lui profitent pas ou lui sont refusées en sa qualité de caution solidaire ; Que ne saurait prospérer son argument selon lequel la clause contenue dans cet article étant réputée non écrite, la société SDV CAMEROUN ne peut s'en prévaloir contre lui ; Qu'en effet, comme sus-dit, avec ou sans cette clause, cette société est en droit de lui réclamer immédiatement le paiement de sa créance pour le moment total ou pour le montant restant dû, en sa qualité de caution solidaire ;
Attendu que OMAIS KASSIM n'a produit aucune décision de justice devenue définitive et liquidant l'astreinte dont il fait allusion ; Qu'il y a lieu en constatant que la compensation n'est pas possible dans ces conditions, balayer son argument sur ce point ;
Attendu que la déclaration d'une créance dans le cadre d'une procédure de règlement préventif, désignée sans le vocable de production n'est qu'une formalité qui permet au tribunal de connaître l'importance de l'actif et du passif pour décider sur le sort de la Société concernée, en même temps qu'elle permet à la créance de survivre et par voie de conséquence le maintien de la caution ; Que cette production n'empêche pas des poursuites immédiates contre la caution étant donné qu'elle ne peut se prévaloir des délais et remises du concordat préventif (art 18 et 3 acte uniforme OHADA sur les procédures collectives) ; Qu'il échet de ne pas retenir également l'argument du demandeur fondé sur la production de la créance par la Société SDV CAMEROUN ;
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