Journal officiel du Sénégal
LOI n° 2004-28 du 12 Août 2004
EXPOSE DES MOTIFS
Préoccupés par la multiplication des conflits qui affectent la sous-région africaine et qui sont exacerbés par la criminalité transfrontalière et la prolifération des armes légères, et convaincus de la nécessité de développer des actions efficaces permettant d'alléger les souffrances des franges les plus vulnérables des populations civiles, les chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont adopté, à Lomé, le 10 décembre 1999, le Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion et de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité.
Ce Protocole a été adopté sur la base de l'expérience acquise par les Etats membres de la CEDEAO dans le cadre de la mise en œuvre du Protocole de non agression signé à Lagos, le 22 avril 1978, et du Protocole d'Assistance mutuelle en matière de défense, signé à Freetown.
En partant des principes contenus dans la Charte de l'ONU, l'Acte constitutif de l'Union africaine, la Déclaration universelle des Droits de l'Homme et la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, les Etats membres de la CEDEAO se fixent à travers l'adoption de ce Protocole, la poursuite des objectifs ci-après :
la prévention des conflits ;
la lutte contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme international, la prolifération des armes légères, la corruption, le blanchiment de l'argent sale et les mines antipersonnel ;
la constitution et le déploiement, chaque fois que de besoin, de forces civiles et militaires, pour maintenir ou rétablir la paix dans la sous-région ;
la création d'un cadre approprié pour la gestion rationnelle et équitable des ressources naturelles appartenant en commun à des Etats membres partageant des frontières communes, et qui pourraient constituer des causes de conflits inter-étatiques.
A cet égard, le Protocole met en place les institutions ci-après :
la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui est la plus haute instance de décision du Mécanisme ;
le Conseil de Médiation et de Sécurité délégataire de pouvoir de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, peut décider notamment, du déploiement des missions politiques et militaires et de toutes les questions relatives à la paix et à la sécurité. Le Conseil de Médiation et de Sécurité peut, sur recommandation du Secrétaire exécutif, nommer un représentant spécial pour chaque opération entreprise par l'ECOMOG ainsi que le Commandant de cette force ;
le Secrétariat exécutif habilité à prendre des mesures visant la prévention, la gestion, le règlement des conflits, le maintien de la paix et de la sécurité dans la sous-région.
En vue de l'accomplissement de leur mission, les institutions ci-dessus énumérées s'appuient sur les organes suivants :
la Commission de Défense et de Sécurité qui étudie les aspects techniques et administratifs et détermine les besoins en logistique dans le cadre des opérations de maintien de la paix ;
le Conseil des Sages chargé de mener des missions de bons offices, de médiateur, de conciliateur et d'arbitre ;
le Groupe de Contrôle du cessez-le-feu ou ECOMOG, dirigé par un commandant, chargé du maintien et du rétablissement de la paix, de mission d'observation et de suivi de la paix, de l'application de sanctions y compris l'embargo ainsi que de l'appui aux actions humanitaires. Egalement, il peut être déployé de façon préventive.
Macky SALL.
PROTOCOLE RELATIF AU MECANISME DE PREVENTION, DE GESTION, DE REGLEMENT DES CONFLITS, DE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE
PREAMBULE
NOUS, CHEFS D'ETAT ET DE GOUVERNEMENT DES ETATS MEMBRES DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L'AFRIQUE DE L'OUEST (CEDEAO)
Vu le Traité révisé de la CEDEAO signé à Cotonou le 23 juillet 1993, notamment en son article 58 ;
Vu les dispositions pertinentes de la Charte de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) ;
Vu les dispositions de la Charte des Nations unies, notamment en ses chapitres VI, VII et VIII ;
Ayant à l'Esprit les dispositions des Protocoles A/P1/5/79, A/P2/7/85, A/SP1/7/86, A/SP1/6/88, A/SP1/5/90 relatifs à la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement ;
Rappelant le Protocole de Non-agression signé à Lagos le 22 avril 1978 et le Protocole d'Assistance mutuelle en matière de Défense signé à Freetown le 29 mai 1981, notamment notre détermination à nous apporter mutuellement aide et assistance en matière de défense dans les cas d'agression armée ou de menace contre un Etat membre ;
Prenant en compte l'Accord cadre de Non-agression et d'Assistance en Matière de Défense (ANAD) signé à Abidjan le 9 juin 1977 ;
Prenant également en compte le Protocole d'application de l'Accord cadre ci-dessus visé, signé à Dakar le 14 décembre 1981, ainsi que les Protocoles subséquents ;
Réaffirmant notre attachement à la Déclaration des Principes Politiques de la CEDEAO adoptée à Abuja le 6 juillet 1991 sur la liberté, les droits des peuples et la démocratisation ;
Rappelant les dispositions pertinentes des Conventions de la CEDEAO sur l'Entraide judiciaire en matière pénale et sur l'Extradition, respectivement signées à Dakar le 29 juillet 1992 et à Abuja le 6 août 1994 ;
Rappelant également la Déclaration sur le Mécanisme de Prévention, de Gestion et de Règlement des Conflits en Afrique adoptée au Caire le 29 juin 1993 par la 29ème session de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA ;
Préoccupés par la multiplication des conflits qui constitue une menace à la paix et à la sécurité du continent africain, et compromet nos efforts visant à relever le niveau de vie de nos populations ;
Convaincus de la nécessité de développer des actions efficaces visant à alléger les souffrances des populations civiles, notamment celles des femmes et des enfants, et à restaurer le cours normal de la vie en cas de conflits, ou de catastrophes naturelles, et désireux de renforcer davantage les efforts dans le domaine humanitaire ;
Conscients du fait que la bonne gestion des affaires publiques, le respect de l'Etat de droit et le développement durable, sont indispensables pour la paix et la prévention des conflits ;
Rappelant la Déclaration de Moratoire sur l'Importation, l'Exportation et la Fabrication des armes légères adoptée par la vingt-et-unième session de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement tenue à Abuja les 30 et 31 octobre 1998 ;
Rappelant également les conclusions de la Réunion des Ministres des Affaires étrangères sur la mise en place effective du Programme de Coordination et d'Assistance pour la Sécurité et le Développement (PCASED), tenue à Bamako le 24 mars 1999 ;
Convaincus que la criminalité trans-frontalière, la prolifération des armes légères et toutes formes de trafic illicites contribuent au développement de l'insécurité et de l'instabilité et compromettent le développement social et économique de la sous région ;
Conscients que ces phénomènes constituent un problème social et économique grave, qui ne peut être résolu que dans le cadre d'un renforcement de la coordination des efforts dans ce domaine ;
Reconnaissant la nécessité de rendre mieux adaptés, plus efficaces et pragmatiques les traités et protocoles pertinents actuellement en vigueur ;
Désireux de consolider nos acquis dans le domaine du règlement des conflits à travers le Groupe de Contrôle du Cessez-le-feu de la CEDEAO (ECOMOG) ;
Rappelant notre Décision A/DEC.11/10/98 adoptée le 31 octobre 1998 à Abuja relative au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits et de Maintien de la Paix et de la Sécurité,
Désireux de mettre en place une structure opérationnelle pour la mise en œuvre de ladite décision.
CONVENONS DE CE QUI SUIT :
Définitions
Aux fins du Présent Protocole, on entend par :
« Traité » : le Traité révisé de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) signé à Cotonou le 24 juillet 1993 ;
« Communauté » : la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest visée à l'article 2 du Traité ;
« Conférence » : la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest créée à l'article 7 du Traité ;
« Conseil de Médiation et de Sécurité » : le Conseil de Médiation et de Sécurité défini à l'article 8 du présent Protocole ;
« Commission de Défense et de Sécurité » : Le Conseil de Défense et de Sécurité défini à l'article 8 du présent Protocole ;
« Secrétaire exécutif » : le Secrétaire exécutif de la CEDEAO nommé conformément à l'article 18 du Traité ;
« Conseil des Sages » : le Conseil des Sages défini à l'article 20 du présent Protocole ;
« Réunion des Ambassadeurs » : la réunion des ambassadeurs définie à l'article 14 du présent Protocole ;
« Représentant spécial » : le Représentant spécial défini à l'article 32 du présent Protocole ;
« Secrétaire exécutif adjoint » : le Secrétaire exécutif adjoint chargé des Affaires politiques, de Défense et de Sécurité, prévu à l'article 16 du présent Protocole ;
« Institution » : la structure prévue à l'article 4 du présent Protocole ;
« Organe » : la structure prévue à l'article 17 du présent Protocole ;
« Centre d'observation et de suivi » : l'Observatoire régional de la paix et de la Sécurité prévu à l'article 58 du Traité et prévu à l'article 23 du présent Protocole ;
« ECOMOG » : le Groupe de contrôle du Cessez-le-feu de la CEDEAO s'occupant des activités d'intervention de la Communauté et prévu à l'article 21 du présent Protocole ;
« Commandant de la Force » : le Commandant de la Force nommé conformément aux dispositions de l'article 33 du présent Protocole ;
« Criminalité trans-frontalière » : tous les actes criminels projetés ou commis par des individus, des organisations, ou des réseaux de criminels locaux et/ou étrangers opérant à travers les frontières nationales des Etats membres ou agissant en complicité avec des personnes basées dans un ou plusieurs Etats voisins du pays sur le territoire duquel sont perpétrés les actes criminels, ou ayant un quelconque lien de rattachement avec l'un quelconque des Etats membres ;
« Etat membre en crise » : un Etat membre confronté à un conflit armé, mais aussi tout Etat membre se heurtant à des problèmes graves et persistants, ou se trouvant plongé dans une situation de tension extrême pouvant entraîner des risques importants de désastre humanitaire ou des menaces à la paix et à la sécurité dans la sous région, ou tout Etat membre dans lequel interviendrait un renversement ou une tentative de renversement d'un régime démocratiquement élu.
Chapitre premier
Création, principes et objectifs du mécanisme
Art. premier — Création
Il est créé au sein de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) un mécanisme destiné à assurer la sécurité et la paix collectives et dénommé « Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité ».
Art. 2 — Principes
Les Etats membres, réaffirment leur attachement aux principes contenus dans les Chartes de l'Organisation des Nations unies (ONU) et de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, ainsi que dans la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, notamment les principes fondamentaux suivants :
le développement économique et social et la sécurité des peuples et des Etats sont intimement liés ;
la promotion et le renforcement de la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement, qui contribuent au renforcement des liens de bon voisinage ;
la promotion et la consolidation d'un gouvernement et d'institutions démocratiques dans chaque Etat membre ;
la protection des droits humains fondamentaux, des libertés et des règles du droit international humanitaire ;
l'égalité des Etats souverains ;
l'intégrité territoriale et l'indépendance politique des Etats membres ;
Art. 3 — Objectifs du mécanisme
Les objectifs visés par le Mécanisme sont les suivants :
la prévention, la gestion et le règlement des conflits internes dans les conditions prévues au paragraphe 46 du cadre du Mécanisme entériné par la Décision A/DEC11/10/98 du 31 octobre 1998, ainsi que des conflits inter-Etats ;
la mise en oeuvre des dispositions pertinentes de l'article 58 du Traité revisé ;
l'application des dispositions pertinentes des protocoles relatifs à la non-agression, à l'assistance mutuelle en matière de défense, à la libre circulation des personnes, au droit de résidence et d'établissement ;
le renforcement de la coopération dans les domaines de la prévention des conflits, de l'alerte précoce, des opérations de maintien de la paix, de la lutte contre la criminalité trans-frontalière, le terrorisme international, la prolifération des armes légères, et les mines anti-personnelles ;
le maintien et la consolidation de la paix, de la sécurité et de la stabilité au sein de la Communauté ;
la création d'institutions et la mise en œuvre de politiques appropriées pouvant permettre la coordination des missions humanitaires et de sauvetage ;
la promotion d'une coopération étroite entre les Etats membres dans les domaines de la diplomatie préventive et du maintien de la paix ;
la constitution et le déploiement, chaque fois que de besoin, d'une force civile et militaire pour maintenir ou rétablir la paix dans la sous région ;
la création d'un cadre approprié pour la gestion rationnelle et équitable des ressources naturelles appartenant en commun à des Etats membres partageant des frontières communes, et qui pourraient constituer des causes de conflits inter-Etatiques fréquents ;
la protection de l'environnement et l'adoption de mesures visant à restaurer l'environnement dégradé ;
la sauvegarde du patrimoine culturel des Etats membres ;
la formulation et la mise en œuvre de politiques de lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et la circulation illégale des armes légères.
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