Cour Suprême du Cameroun
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Chambre sociale
AFFAIRE:
Société « Entreprise de Génie Civil et Construction du Cameroun » « GECICAM »
C/
Fouda Eloumou Sébastien
ARRET N° 51 DU 14 MAI 1963
LA COUR,
Sur le premier moyen pris de la violation de la loi, violation des articles 1315 du Code civil, 38 et 42 du Code du travail, en ce que la Cour d'appel, saisie par un employé d'une action en dommages-intérêts pour licenciement abusif, a admis celle-ci sans imposer au demandeur de rapporter la preuve de l'abus allégué et en se fondant au contraire sur le fait que le défendeur n'avait pas prouvé la fausseté des allégations du demandeur ;
Alors que l'article 1315 du Code civil stipule que c'est au demandeur qu'incombe la charge de prouver les faits justifiant son action et que spécialement, dans l'action fondée sur l'article 42 du Code du travail, c'est à l'employé demandeur d'exposer et prouver les faits constitutifs de l'abus du droit de licenciement ;
Et que conformément à l'article 38 du Code du travail, -l'employeur rompant le contrat sans invoquer une faute lourde n'a d'autre obligation que d'observer le préavis, donc ne peut se voir contraint de justifier les motifs de sa décision de rupture ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Fbuda Eloumou Sébastien employé en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée à la société « Entreprise de Génie Civil et Construction du Cameroun » désigné sous le sigle « GECICAM » a cité son employeur devant le tribunal du travail de Yaoundé en paiement de 25.000.000 de dommages-intérêts « pour avoir été licencié abusivement après 12 ans et 7 mois de service » :
Que le tribunal du travail a condamné « GECICAM » au paiement de 2.000.000 de francs au motif que l'employeur n'avait pas fait la preuve des assertions contenues dans sa lettre de licenciement du 2 mai 1962, et ce sans qu'une enquête préalable en eût révélé la fausseté ;
Que sur appel de GECICAM et au motif qu'il résulterait de l'article 42 du Code du travail « que l'employeur est tenu de prouver un motif légitime sous peine de se voir condamné à des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat », la Cour, adoptant les motifs du premier juge et faisant droit à l'appel incident de Fouda Eloumou Sébastien, a condamné GECICAM au paiement de 3.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif;
Attendu qu'à suivre l'interprétation susénoncée selon laquelle l'article 42 du Code du travail exige que l'employeur fasse la preuve de la légitimité du licenciement, autrement dit qu'il prouve qu'il n'a commis aucune faute en usant du droit que dans les termes les plus formels, l'article 38 du même Code reconnaît à chaque partie, employeur et travailleur, le droit de mettre fin à tout moment au contrat à durée indéterminée sous réserve de préavis, c'est non seulement contredire le principe général posé par l'article 38 susvisé relatif à la faculté de résiliation unilatérale d'une part, mais d'autre part et surtout c'est ajouter arbitrairement au texte de l'article 42 d'où ne résulte nullement un renversement du fardeau de la preuve au profit de l'employé, alors qu'au contraire le législateur, passant outre à certaines velléités manifestées en cours d'élaboration du Code de travail, a refusé sans ambiguïté de déroger au principe général en matière d'administration de la preuve énoncée par l'article 1'315 du Code civil duquel il résulte que la preuve de la faute ou de l'abus de droit incombe à celui qui l'invoque ; qu'ainsi comme en droit commun il appartient à l'employé de faire la preuve que son « licenciement a été effectué sans motifs légitimes », et indépendamment même du motif allégué, et sans que le juge du fond puisse rechercher si la sanction est proportionnée à la faute ;
Attendu dès lors, qu'en renversant la charge de la preuve, et en condamnant GECICAM pour licenciement abusif alors que la preuve de l'abus et de l'absence de motifs légitimes incombait à Fouda Eloumou et que conformément à l'article 42, le juge avait le devoir « de constater » l'abus par une enquête sur la cause et les « circonstances de la rupture du contrat » ainsi qu'au surplus l'avait sollicité « GECICAM » et à quoi il a été passé outre et en basant sa décision sur le fait de l'ancienneté des services de Fouda et d'un emprunt qu'il aurait contracté alors que seul son comportement actuel importait, la Cour a violé les textes visés au moyen et sa décision encourt la cassation de ce chef ;
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