Cour Suprême du Cameroun
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Chambre sociale
AFFAIRE:
Lepère
C/
Société Mory et Cie
ARRET N° 56 DU 1er JUIN 1965
LA COUR,
Vu le mémoire ampliatif de Me Danglemont, avocat-défenseur à Yaoundé, déposé le 6 novembre 1964 ;
Sur le premier moyen pris de la violation des articles 3 et 37 de l'ordonnance du 17 décembre 1959 portant organisation judiciaire, 1134 et 1135 du Code civil, dénaturation de la convention des parties, contradiction de motifs ;
Attendu que Lepère, demandeur au pourvoi, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de la demande en paiement d'une somme de 637.500 francs au titre de gratifications dues pour les neufs mois passés en 1959 au service de la Société Mory à Yaoundé au motif qu'il n'était plus en service chez ledit employeur au moment du paiement, début 1960, desdites gratifications, et qu'il ne rapporte pas la preuve qu'il était d'usage constant dans cette entreprise de payer au personnel licencié en cours d'année des gratifications au prorata du temps de service, alors que l'arrêt reconnaît par ailleurs, notamment pour les gratifications des années 1958 et antérieures, qu'elles étaient payées à tout le personnel en vertu d'un usage constant et étaient considérées comme un complément de salaire ; qu'en vertu de ce caractère, elles étaient la contrepartie du travail fourni par le salarié et qu'elles étaient dues au prorata du temps passé au service de l'entreprise ;
Attendu que l'arrêt énonce à bon droit que les gratifications, quel qu'en soit le montant, versées au personnel en vertu d'un usage constant de l'entreprise et d'un accord tacite des parties, acquièrent un caractère obligatoire les assimilant à un complément de salaire ;
Mais attendu. qu'en relevant, d'une part, que les gratifications avaient été, jusqu'en 1958, régulièrement versées à Lepère, ainsi qu'à tout le personnel, selon des modalités fixes permettant de les considérer comme partie intégrante du salaire, et en décidant, d'autre part, qu'elles ne lui étaient pas dues pour les neuf premiers mois de l'année 1959 au motif qu'il avait quitté son employeur lors de leur attribution et ne rapportait pas la preuve qu'il était d'usage de les paye': au prorata du temps de service, l'arrêt, qui avait admis que les modalités de répartition permettaient de donner aux gratifications le caractère d'un usage constant équivalant à une obligation contractuelle, s'est prononcé par un ensemble de motifs contradictoires et a méconnu les exigences des textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen doit être admis ;
Sur le deuxième moyen pris de la violation de l'article 94 du Code du travail et de l'arrêté ministériel eu 13 juin 1955
Attendu que le demandeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à rembourser à la Société Mory une somme de 692.400 francs qu'il s'était attribuée en tant que chef d'agence, au titre de rappel de l'indemnité d'éloignement, aux motifs qu'il avait confondu, pour justifier ce rappel, l'indemnité fixe non obligatoire de 19.500 francs dite « d'avantages coloniaux » qu'il percevait mensuellement, avec l'indemnité d'éloignement prévue par l'article 94 du Code du travail et l'arrêté ministériel du 13 juin 1955 ; d'autre part, que l'indemnité d'éloignement était inclure dans son salaire mensuel global qu'il aurait dû lui-même scinder en deux parties en application des dispositions de l'arrêté précité, alors que l'indemnité d'éloignement, créée par l'article 94 du Code du travail et l'arrêté du 13 juin 1955, s'identifie aux avantages coloniaux, et que lesdits textes, en créant l'indemnité d'éloignement, ont entendu procéder à une augmentation de salaire au profit des travailleurs expatriés ;
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