Cour Suprême du Cameroun

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AFFAIRE:

Bindzi Omgba Clément

C/

Dame Mewoli Justine

Arrêt n°45 du 22 février 1973

La Cour,

Vu le mémoire ampliatif déposé le 21 septembre 1972 par Me Simon, Avocat-défenseur à Yaoundé ;

Sur le moyen unique du pourvoi, pris de la violation de l'article 18 du décret N° 69-DF-544 du 19 décembre 1969, non réponse aux conclusions ;

En ce que ni le Tribunal du premier degré, ni la Cour d'Appel n'ont énoncé la coutume applicable en l'espèce ; que Bindzi Ombga Clément avait clairement précisé sa position lors de l'audience du 3 mai 1971 en disant « l'intimée est ma cousine. Alors, elle s'est mariée à un Yambassa. Au lieu de rester chez son mari, elle retourne ici revendiquer du terrain qu'elle exploite » ;

En ce que le témoin Ndongo Raphaël, entendu lors de la descente sur les lieux le 7 mai 1971, a déclaré : « Si Mewoli était garçon elle aurait plein droit sur ledit terrain, seulement elle s'est mariée à un Yambassa » :

Alors que devant cette argumentation, le Tribunal, ou à défaut la Cour d'Appel se devait d'énoncer la coutume applicable en l'espèce et de motiver amplement sa décision sur la concordance entre l'opinion de Bindzi et l'avis du témoin, et la coutume applicable ;

Attendu que la dame Mewoli Justine ayant voulu faire immatriculer en son nom le terrain laissé par son feu père, le demandeur fait grief à l'arrêt d'avoir, en confirmant le Jugement du Tribunal du premier degré de Yaoundé en date du 24 mai 1971 reconnaissant les droits de Mewoli sur le terrain litigieux et l'autorisant à poursuivre la procédure d'immatriculation, violé la coutume des parties, du reste non énoncée, laquelle en matière de dévolution successorale, excluait les filles de la succession.

Attendu que les droits de la personne résultant du mariage, de la parenté, de la filiation dont la constitution proclame, en son préambule, le caractère inaliénable et sacré, ne peuvent faire l'objet de transaction ni constituer la contrepartie d'une dette ou d'une créance ; que ces principes sont d'ordre public ;

Attendu que la coutume invoquée, dans la mesure où elle établit une discrimination fondée sur le sexe, va à l'encontre du principe constitutionnel de l'égalité des sexes ; que de ce fait, ladite coutume ne saurait recevoir la sanction des cours et tribunaux, la vocation héréditaire de la femme apparaissant désormais comme indiscutable ;